Je ne condamne point une ardeur légitime,
Et comme je connois qu’on peut aimer sans crime,
Jacinte étant ma sœur, j’ai lieu de présumer
Que sans blesser sa gloire elle a pu vous aimer,
Que cet amour n’a rien dont sa vertu rougisse.
C’est m’obliger ensemble et lui rendre justice,
Mais si ma passion n’arme point votre bras,
Quelle offense inconnue expieroit mon trépas ?
Ce long déguisement redouble ma colère,
Ne vous ai-je pas dit que Dom Sanche est mon père,
Et par ce seul aveu n’avez-vous pas appris
Que je dois le venger puisque je suis son fils ?
Son malheur est de ceux dont la surprise accable.
Quoi, ne savez-vous pas qu’il vous en croit coupable ?
Oui, je sais qu’il le croit, mais aussi je sais bien,
Quoi qu’il vous en ait dit, que vous n’en croyez rien.
Votre sang cette nuit exposé pour ma vie
M’a trop justifié de cette calomnie,
Et sachant son affront, loin de me secourir,
Qui m’en eût crû l’auteur m’auroit laissé périr.
Je l’eusse fait sans doute, et j’aurois dû le faire,
Puisqu’enfin je souscris aux sentiments d’un père,
Apporter quelque obstacle à ce qu’il a tenté,
C’est l’accuser d’erreur et non de lâcheté.
Il faut, quoi que d’abord un grand cœur s’en offense,
Pour le dernier affront la dernière vengeance,
L’assassinat est juste où l’outrage est sanglant,
Et le meilleur remède est le plus violent.
Puisque votre suffrage en ma faveur s’explique,
Quel crime est donc le mien ?