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ACTE IV



Scène premiere


Alonse, Dom Lope

Alonse

Je l’avois bien prévu, que tant de violence
Pourroit enfin du Ciel lasser la patience,
Et qu’à suivre toujours son seul emportement,
Enrique par ses mains creusoit son monument.
Toutefois il respire, et son reste de vie
Rend de quelque douceur sa disgrâce suivie,
Puisqu’il nous laisse lieu d’espérer qu’au besoin
Lui-même contre lui servira de témoin.

Dom Lope

Ah, sans me déguiser ce qu’on ne me peut taire,
Dites qu’on doit rougir d’avouer un tel frère,
Et que sa lâcheté dans ce dernier combat
N’a fait aux yeux de tous qu’un trop honteux éclat.

Alonse

Il est vrai qu’on le blâme, et qu’un noble courage
Du nombre contre un seul dédaigne l’avantage,
Cependant chacun sait pour ménager ses jours
Qu’il a pu s’abaisser à souffrir du secours.
C’est au milieu de trois qui lui prêtoient main forte
Que ce jeune inconnu l’a blessé de la sorte,
Il est tombé mourant, et de sa fausse mort
Tout le peuple amassé me faisoit le rapport,
Quand lui voyant encore quelques signes de vie
À ne le point quitter l’amitié de convie,
On arrête son sang, il revient lors à soi,
Étant déjà tout proche on le porte chez moi,
Où vous même avez vu dans l’ennui qui l’accable
Que de tout son malheur il se tient seul coupable.