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IV}}


Scène I

ORONTE, CLITON.

Oronte

Que tu raisonnes mal ! Quoi, tu te figures…

Cliton

Moi ? J’y perds mon latin et toutes ses mesures,
Et pourrois raisonner jusques au Jugement.
Que j’y perdrois encor tout mon raisonnement.

Oronte

Confesse que je sais, Cliton, comme il faut vivre.

Cliton

Vous allez si beau train qu’on ne vous sauroit suivre ;
Quant à moi, j’y renonce. Après les rudes coups
Que vous reçûtes hier à vos deux rendez-vous,
Qui n’auroit pas juré que dans votre colère
Vous eussiez dû maudire et l’Amour et sa Mère,
Soupirez et gémir tout le long de la nuit,
Ne sortir de trois jours, et peut-être de huit,
L’esprit chargé d’ennuis, le cœur gros d’amertume ?
Cependant vous voilà plus gai que de coutume,
Vous chantez, vous dansez, vous faites l’entendu,
Et vous semblez n’avoir ni gagné ni perdu.
Votre façon d’agir est bien hétéroclite.

Oronte

En quoi te surprend-elle ? On me quitte, et je quitte.

Cliton

Si l’on montre pour vous quelques légèretés,
On ne vous rend, Monsieur, que ce que vous prêtez.
Et Maîtresse, et Suivante, et blanche, et brune, et blonde,
Vous vous accommodez de tout le mieux du monde,
Votre haut appétit en prend à gauche, à droit,
Et rien à votre goût n’est trop chaud ni trop froid.