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Oronte

La mienne est trop valable,
Pour être malheureux, je ne suis point coupable.
Des Beautés de Lucie éperdument épris,
Cette nuit avec elle Éraste m’a surpris,
Et ne pouvant alors mieux faire ni l’un ni l’autre,
Des murs de son jardin j’ai sauté dans le vôtre.

Cliton

Jamais en moins de temps je ne fis tel chemin.

Argante

Il est vrai qu’on a fait du bruit dans le jardin,
Et qu’ayant mis soudain la tête à la fenêtre,
J’ai vu marcher quelqu’un que je n’ai pu connoître ;
Mais quoique cette excuse ait assez de couleur,
Il ne me suffit pas dans un si grand malheur.
J’en veux, pour l’intérêt de toute ma famille,
Lire la vérité sur le front de ma fille,
Son trouble ou son repos me la feront sa voir.
Je reviens.

Cliton

Ah, Monsieur, donnons-lui le bonsoir.

Oronte

As-tu peur ?

Cliton

Moi ? Non pas, mais j’ai peu de courage.
Partout flamberge au vent vous trouvez bien passage.
Vous vous échapperez, et le pauvre Cliton,
On l’enverra dormir à grands coups de bâton.

Oronte

Écoute, on parle ici.

Argante, parlant à Éraste qu’il a trouvé dans sa maison, et fermant la porte pour l’empêcher de voir Oronte.

Demeurez-là de grâce.

Cliton

Il ferme cette porte ; ah, tout mon sang se glace.