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Qu’afin de m’avertir de votre nouveau choix,
Vous me souffrez ici pour la dernière fois,
Et que loin de vos yeux, pour plaire à votre envie,
Je dois aller traîner ma déplorable vie.
Ce coup à mon amour sera rude, il est vrai,
Mais dussé-je en mourir, je vous obéirai,
Avec tant de respect, que ma triste présence
Ne vous reprochera jamais votre inconstance.

A Cliton.

Jouai-je bien mon rôle ?

Cliton

Admirablement bien ;
Vous feriez au besoin un grand Comédien.

Lucie

Ce discours me surprend jusques à me confondre,
J’en perds la liberté même de vous répondre,
Et ne vois aucun jour à me justifier,
Lorsque vous vous plaignez sans rien spécifier.
Si j’ose toutefois dire ce que j’en pense,
Votre douleur, Oronte, a beaucoup d’éloquence,
Et je la croirois moins, quoi que vous m’ayez dit,
L’effet d’un cœur atteint, qu’un jeu de votre esprit.
La douleur véritable, encor que violente,
N’a pour son truchement qu’une œillade mourante.
Elle fuit du discours le détour odieux,
Et c’est par les soupirs qu’elle s’explique que le mieux.
Mais enfin s’il est vrai que je sois une ingrate,
Nommez-moi ce Rival pour qui ma flamme éclate,
Et pour ne rien omettre à convaincre ma foi,
Dites ce que ses soins ont obtenu de moi.

Oronte

Vus contraindrez longtemps les secrets de votre âme
Si pour les découvrir vous attendez Florame,
Quoiqu’il montre pour vous beaucoup de passion,
Il manquera ce soir à l’assignation ;
Quelque obstacle imprévu l’empêche de s’y rendre,
Et c’est ce que demain il viendra vous apprendre.

Lucie

Il suffit.