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Mille attraits surprenants pourront m’avoir blessé,
Qu’à trente pas de là c’est autant d’effacé ;
D’un moindre éclat présent mon âme possédée
Ne conserve aucun trait de sa première idée,
Et comme, quelque Objet dont je suive la loi,
Je ne l’aime jamais que pour l’amour de moi,
Mon cœur prend aisément une forme nouvelle,
Et celle que je vois est toujours la plus belle.

Cliton

Donc, Lisette cessant de s’offrir à vos yeux…

Oronte

Celles que je verrois me plairoient beaucoup mieux.
Mais il faut s’avancer, et la voix adoucie,
Montrer un cœur soumis aux charmes de Lucie.

Cliton

Quand vous faites dessein de lui parler si doux,
Vous souvenez-vous bien que vous êtes jaloux ?

Oronte

Tu me fais à propos souvenir de mon rôle,
Je vais sur le plaintif accorder ma parole.


Scène II

ORONTE, LUCIE, CLITON.

Oronte

Êtes-vous là, Madame ?

Lucie, à sa fenêtre.

Est-ce Oronte ?

Oronte

Oui, c’est moi,
Qui vous reprocherois votre manque de foi,
Si je ne vous croyois trop juste et raisonnable
Pour perdre un malheureux s’il n’étoit pas coupable.

Lucie

Oronte, prenez-vous plaisir à m’alarmer ?
Moi, je vous puis trahir, et ne vous plus aimer !