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Parlez donc, car je pense
Que je suis en humeur de donner audience. [1350]

DON FÉLIX.

Je meurs pour Isabelle, et cet Objet vainqueur
Malgré ma résistance a captivé mon coeur,
Je l'adore.

DON BERTAN.

Tant pis, si vous n'êtes en grâce.
Depuis combien de temps lui donnez-vous la chasse  ?

DON FÉLIX.

Depuis un an ou deux.

DON BERTAN.

C'est bien s'être aveuglé [1355]
Que souffrir si longtemps son esprit déréglé,
Car vous en aurez vu quelques extravagances  ?

DON FÉLIX.

L'Amour se fortifie au milieu des souffrances.
J'ai langui sans murmure, et toujours espéré
Qu'enfin je pourrais voir son esprit modéré ; [1360]
Le temps dissipe encor de plus sombres nuages.

DON BERTAN.

D'une amour réciproque avez-vous quelques gages  ?

DON FÉLIX.

J'ai poussé jusqu'ici mille soupirs en vain,
Mais se voyant réduire à vous donner la main,
Avec moi cette nuit elle s'est déclarée, [1365]
J'ai reçu de sa flamme une preuve assurée,
Un doux oui de sa bouche, après tant de mépris,
De ma constance enfin se trouve être le prix.

DON BERTAN.

Quoi, vous ayant toujours fait mine peu civile,
Cette nuit seulement elle a changé de style  ? [1370]

DON FÉLIX.

Et n'est-ce pas assez  ?

DON BERTAN.
à Guzman.

Je gagerais ma peau
Qu'elle croyait parler à l'homme à son Taureau,