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Et de cette Inconnue eût terminé les jours, [535]
S'il n'eût été du Ciel conduit à son secours.
Il s'avance, il s'écrie, et voit avecque joie
Que toute sa fureur sur lui seul se déploie.
Avec un peu d'adresse il évite d'abord
Dans sa première rage une infaillible mort, [540]
Tant que prenant son temps enfin il sait l'abattre ;
Et le met d'un seul coup hors d'état de combattre.
Quelle pouvait alors être cette Beauté
Qui se croyait encor à peine en sûreté !
Il la voit toute pâle, et son charmant visage [545]
Cacher tous ses attraits sous un petit nuage,
Mais s'étant rassurée au succès du combat,
Cette même pâleur en rehaussa l'éclat,
Avec qui la pudeur faisant un doux mélange
Aux yeux du Cavalier la fit paraître un Ange. [550]
Mais quels charmes nouveaux et quels ravissements
Quand son esprit parut dans ses remerciements !
Avecque tant de grâce elle se plaît à dire
Qu'elle tient de lui seul le jour qu'elle respire,
Que charmé d'un esprit et si prompt et si vif, [555]
De son libérateur il devient son captif ;
Dans ses yeux aussitôt sa passion éclate.
En ce point toutefois elle se montre ingrate,
Qu'osant de sa vertu former quelque soupçon
Elle reste obstinée à lui cacher son nom. [560]
D'ingratitude en vain son reproche l'accuse,
Une raison secrète est toute son excuse,
Se découvrir à lui c'est se mettre en danger,
Et s'il la veut enfin pleinement obliger,
Il faut qu'il se résolve à taire sa victoire, [565]
Et qu'il n'en cherche point d'autre fruit que la gloire.
Il s'engage au secret, il en donne sa foi,
Et de cette parole il se fait une loi.
Enfin elle le quitte, et joint une autre Dame,
Sans donner plus d'espoir à sa nouvelle flamme. [570]
Il les voit tout confus d'un regard curieux,
En s'éloignant de lui, jeter sur lui les yeux,
Il se