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C'est un étrange noeud que le noeud de l'Hyménée

ISABELLE.

Qu'y puis-je faire enfin  ? Sa parole est donnée, [10]
Il le veut, et tu sais qu'il me vient d'avertir
Que dans une heure ou deux je sois prête à partir ;
Au malheur qui m'accable il n'est point de remède.

JACINTE.

Quoi, vous iriez trouver cet époux à Tolède,
Et parce qu'il a bruit d'avoir force ducats,
Il est si grand Seigneur qu'il n'en remuerait pas  ?
Ma foi, jusqu'à l'Hymen je serais la maîtresse.

ISABELLE.

Mais on me le commande.

JACINTE.

Ô l'étrange faiblesse !
Dût se rompre l'accord je me ferais prier,
Il n'est, tout bien pesé, que d'être à marier. [20]
Qu'un Amant importune, on l'abandonne, on change ;
Fussiez-vous un Démon on vous appelle un Ange.
De cent soumissions vous payez un galant
En lui laissant baiser le bout de votre gant,
Chacun tâche à vous plaire avec un soin extrême ; [25]
Mais dans le mariage il n'en va pas de même,
Notre bon temps est fait, adieu, c'est assez ri,
Qui nous flattait Amant nous rechigne Mari,
Le flambeau d'hyménée amortit bien sa flamme,
La plus belle Maîtresse est une laide Femme, [30]
Et sitôt que l'Amour laisse agir la raison,
L'on connaît qu'il n'est point de charmante prison.
Peu sous ce triste joug ont l'âme bien contente.

ISABELLE.

Sur cet article-là tu parais bien savante.

JACINTE.

Jadis ma bonne mine avait ses partisans, [35]
Je sais ce qu'en vaut l'aune, et j'ai plus de quinze ans,
Je connais à peu près le train commun des choses ;
Ces matières pour vous sont encor lettres closes,