Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 1, 1748.djvu/205

Cette page n’a pas encore été corrigée

Mon vol est trop hardi, je suis un téméraire,
Mais si mon crime est tel qu'il puisse vous déplaire,
Pour ma défense au moins sachez que malgré moi [1605]
D'un Astre dominant j'ai reconnu la loi,
Dont la nécessité m'a mis dans la contrainte
De vous donner enfin juste sujet de plainte.
Si le peu que je vaux me défend d'espérer,
Par vos bontés, Monsieur, j'ose vous conjurer... [1610]

léonard

Non, non, je ne suis point un juge inexorable,
Je connais trop de quoi la jeunesse est capable,
Et que l'occasion force la volonté.

don juan

Puisque vous l'excusez avec tant de bonté,
Pour me justifier autorisez mon crime, [1615]
Rendez de mes erreurs la cause légitime,

Et daignez consentir qu'à
Lucrèce
demain

En qualité d'époux Don Juan donne la main.

léonard

À ma fille ? À quel droit ose-t-il y prétendre ?

don juan

Faites-moi grâce entière en m'acceptant pour gendre, [1620]
J'ai le coeur franc et noble, et si j'ai peu de bien,
Au moins suis-je d'un sang qui ne redoute rien,
Mon mal sans ce remède ira jusqu'à l'extrême.

léonard

bas
Est-il dans son bon sens, ou suis-je fou moi-même ?
Rêvai-je, ou se peut-il qu'il parle tout de bon ? [1625]
Trouvant trop de péril au métier de larron,
Aux dépens de mon bien il veut se rendre sage,
Et m'ose demander ma fille en mariage.
Ô le plus plaisant fou qui jamais se verra !
Qu'il vole, qu'il dérobe autant qu'il lui plaira, [1630]
Sans me désobliger il peut se faire pendre,
Mais qu'il n'espère pas être jamais mon gendre.
Don Juan, je vous promets, quoi que vous m'ayez dit...

don juan