Mais ici qu'il s'agit de vous parler sans fard,
Quel que soit le renom que m'ait acquis cet art, [1350]
La réputation ne m'en est point si chère,
Que pour la conserver je veuille vous rien taire.
Ainsi croyez qu'en vain touchant ce diamant
Vous attendez de moi quelque éclaircissement,
En quelque main qu'il soit, et quoi qu'il en puisse être, [1355]
Par le peu que je sais je n'en puis rien connaître.
Quand je n'aurais pas su par le rapport d'autrui
Que vous estes l'honneur des savants d'aujourd'hui,
Et que l'on fait de vous par tout un cas extrême,
Cette humilité seule à parler de vous-même [1360]
Me persuaderait de ce que vous savez.
Perdez ces sentiments pour moi trop relevés,
Je ne sais rien du tout, et je vous le proteste.
La preuve du contraire est par là manifeste.
Ainsi les plus savants, ainsi les plus parfaits [1365]
Doivent être toujours modestes et discrets,
Et ne pas obscurcir l'éclat de leur science
Par le faste insolent d'une vaine arrogance.
Il passe bien son temps.
Ô le vieillard maudit !
Si j'étais en effet ce que l'on vous a dit, [1370]
Quand même je voudrais me cacher à tout autre,
Je donnerais ici mon intérêt au vôtre,
Et je vous en dirais la pure vérité.
Je vous le dis encor que cette humilité
Plus que votre science est en vous estimable, [1375]
Elle est d'un grand esprit la marque indubitable ;
Quiconque sait beaucoup présume peu de soi,
La vanité jamais ne lui donne la loi,