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Quels efforts n'ai-je faits, jusqu'à forcer mon coeur
D'affecter des mépris et s'armer de rigueur ! [370]
Peut-on plus maltraiter jamais ce que l'on aime ?
Tu l'as vu, tu le sais, et que Don Juan lui-même
Lassé de voir son feu récompensé si mal
Fit dessein de quitter un séjour si fatal,
Et qu'ennuyé d'aimer sans voir rien à prétendre, [375]
Il prit congé de moi pour s'en aller en Flandre.
Ce fut lors que ce coeur n'osant se démentir
Fit ses derniers efforts pour le laisser partir,
Mais il n'était plus temps de s'armer de courage,
Don Juan par sa présence avait trop d'avantage, [380]
Et dans un tel rencontre en sut user si bien...
Mais à quoi m'arrêter, tu vis notre entretien,
Et que son bon destin pour braver mes caprices
Me fit en ce moment accepter ses services,
Et malgré mon orgueil conclure enfin ce point [385]
Qu'il feindrait de partir, et ne partirait point.

béatrix

Vous avez mérité sans doute d'être plainte ;
Mais que peut à tous deux importer cette feinte ?

lucrèce

Ce prétendu voyage avait trop éclaté
Pour l'oser ainsi rompre avec légèreté, [390]
À force d'en chercher la véritable cause
Peut-être en eut-on pu deviner quelque chose,
Quitte ainsi pour un temps à se cacher de jour,
Et sous quelque couleur feindre après son retour.
Mais voici Don Fernand. Ô la vue importune ! [395]
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