Et me venger sur elle, en la persécutant,
De la honte que j'ai qu'on m'estime constant.
Quel tort je vous faisais faute de bien l'entendre !
Ainsi donc les devoirs que vous semblez lui rendre [40]
Ne sont plus un effet de votre passion ?
Je la sers seulement par obstination,
Et si quand je lui dis le secret de mon âme
Avec moins de rigueur elle eut traité ma flamme,
Dans ma façon de vivre et suivant mon humeur [45]
Une autre eut eu bientôt le présent de mon coeur :
Mais voir qu'à contre-temps on prenne un front sévère,
Qu'un soupir, qu'un regard fasse entrer en colère,
C'est lors que je m'obstine à faire les yeux doux.
Qu'il fait mauvais, Monsieur, avoir affaire à vous ! [50]
Quoi ? quand de vous aimer on se trouve incapable
On n'ose l'avouer sans se rendre coupable !
Ah, Lucrece a grand tort avec tous ses refus.
Mais quand prétendez-vous enfin n'y penser plus ?
Lorsque par ton adresse et par ton entremise [55]
Je connaîtrai celui pour qui l'on me méprise.
C'est peut-être Don Juan.
Don Juan ?
Oui, ce Don Juan
Qui, comme vous savez, la sert depuis un an.
Vous riez !
Le parti serait pour elle honnête,
Et ne m'a point encor donné martel en tête. [60]
Quoi que pauvre, il peut plaire.