Page:T. Corneille - Médée, Schelte, 1695.djvu/30

Cette page n’a pas encore été corrigée
CRÉON.

Par une lâcheté, voulez-vous qu’il ternisse
L’éclat des grands exploits, qui le font redouter ?

MÉDÉE.

Ses exploits sont fameux, mais rendez-moi justice ;
Si malgré les périls qu’il falloit surmonter,
La Toison emportée a fait voir son courage,
À qui doit-il cet avantage ?

CRÉON.

Je veux que ce qui rend son nom si glorieux,
De vos enchantements soit l’effet admirable ;
Ignorez-vous qu’un murmure odieux
Vous fait par tout croire coupable ?

MÉDÉE.

Doit-on m’imputer des forfaits,
Sans voir pour qui je les ai faits ?
Vos reproches, Seigneur, ne sont pas légitimes.
Si pour Jason je me suis tout permis,
Puisque lui seul a joui de mes crimes,
C’est lui seul qui les a commis.

CRÉON.

En vain sur ce héros vous rejetez la haine
Qui ne doit tomber que sur vous.
Du pouvoir de votre art peut-être est-on jaloux,
Mais enfin mes sujets vous souffrent avec peine.
Pressé par eux, pour sortir de ma Cour,
Je ne puis vous donner que le reste du jour.

MÉDÉE.

Ai-je donc mérité cette rigueur extrême ?
On me chasse, on m’exile, on m’arrache à moi-même.