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ARCAS.

Si vous l’abandonnez, songez-vous à la rage
Où la mettra son désespoir ?

JASON.

Je sais la grandeur de l’outrage,
Je manque à la foi qui m’engage,
Et vois tout ce que je dois voir ;
Mais un fier ascendant asservit mon courage.
En vain je cherche à n’y point consentir ;
Des grandes passions c’est le sort qui décide.
Je rougis, je me hais d’être ingrat & perfide,
Et je ne puis m’en garantir.

ARCAS.

Dans ce que peut Médée, oserai-je vous dire
Que vous ne sauriez trop redouter son courroux ?
Si sur votre âme encor la gloire a quelque empire,
Voyez ce qu’elle veut de vous.

JASON.

Que me peut demander la Gloire,
Quand l’Amour s’est rendu le maître de mon cœur ?
Dans le triste combat, où si j’ose la croire,
L’avantage cruel de demeurer vainqueur,
Doit me coûter tout mon bonheur,
Que peut me demander la Gloire ?
Si je traite Médée avec trop de rigueur,
Un objet tout charmant trouve de la douceur
À me céder une illustre victoire :
Je touche au doux moment d’en être possesseur.
Serments de ma première ardeur,
Devoirs que je trahis, sortez de ma mémoire,