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fils du vizir, s’avance d’un air gracieux et commence ainsi son récit.

— Effendi, votre servante était encore une enfant que, sur le bruit de ma beauté et de mes agréments, un homme conçut la pensée et le projet de m’épouser. Bien qu’il fût déjà d’un certain âge je m’abandonnai à mon sort et me donnai à lui. Il eut l’idée de me faire apprendre le métier de coiffeuse ce qui me donna l’accès des plus grandes maisons, car j’avais fait marché à cet égard.

Quand je me rendais d’un quartier à l’autre les jeunes gens, à la vue de mes charmes et de mes appâts, ne manquaient point de s’étendre sur mon compte :

— Quel dommage, disaient-ils, que tant d’attraits et de fraîcheur se trouvent échoir à un vieux ! N’aurait-elle donc pas plus de plaisir avec un de nous autres jeunes gens ?

De tels discours ne laissaient pas de m’impressionner et de faire naître chez moi une certaine curiosité mélancolique. Ils ne cessaient de solliciter de moi un rendez-vous d’amour, mais aucun ne m’inspirait de tendre sentiment, je leur refusai toute faveur.

Parmi eux se trouvait le fils d’un marchand qui, charmé de me voir, ne manquait aucune occasion de se trouver sur mon chemin et de m’adresser quelques mots à la dérobée ; c’est ainsi qu’il me récita ce galant distique :

— Le Créateur a établi sur nous ta royale domination.