veille, reprit-il et, sans plus tarder, il pousse au large et marche à la voile et à la rame.
Comme je passais les nuits en dévotions, je sentis bientôt le sommeil s’appesantir sur moi ; je m’appuyai alors au bateau et ne tardai pas à m’endormir. Pendant que je m’abandonnais ainsi au besoin de repos, le caïqdji se mit à me regarder, il se rassasie à loisir du plaisir d’admirer ma beauté et mes charmes, les désirs charnels s’éveillent chez lui, Satan le maudit exerce sur son âme les séductions tentatrices ; il pense aux moyens de faire de moi sa proie.
Le voilà qui aborde une plage peu fréquentée et s’amarre à la rive déserte ; si, à ce moment, il m’avait assassinée, personne n’eut jamais connu son crime.
— Lève-toi ! me crie-t-il alors. Je me réveille et me vois près de la terre, dans un lieu inconnu. — Au nom de Dieu, lui dis-je, réponds-moi : où m’as-tu donc menée ?
— Tu vas le voir, me répond-il.
À son ton et à l’expression de son visage, je compris quelle était sa trahison ; je me mets à pleurer, à gémir, à me tourmenter, à pousser les hauts cris.
— Tais-toi, me dit-il en tirant son poignard, sinon je te coupe la gorge.
À cette menace, je sens un grand trouble s’emparer de mon cœur.