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d’accident, il ne perd jamais de vue la belle esclave : le jour, il se tient à côté du chameau qui porte le palanquin où d’épais rideaux, étroitement serrés, la dérobaient aux indiscrets regards ; la nuit, à chaque gîte d’étape, il s’enferme avec elle dans une chambre dont il met la clef en poche ; pour plus de sûreté encore, il se couche en travers de la porte, lui prépare un lit auprès du sien et noue sa chemise à la sienne.

Mais, comme dit un proverbe, l’ennemi enfermé dans la maison est mille fois plus à craindre que celui qui erre dans la campagne. Notre pauvre aga ne put impunément assister, chaque matin, à la toilette de cette jeune beauté, admirer à découvert et son visage charmant et sa gorge de neige, et ses seins semblables à deux citrons de crème, et ses formes florissantes et sa peau plus nette que cristal. De jour en jour, les tentations de la chair l’agitent davantage, il oublie le pacha d’Égypte à mesure qu’il s’en éloigne sans que naisse chez lui la crainte du grand-vizir dont une si vaste étendue de pays le séparait encore, car il avait seulement atteint Damas.

Cette nuit même, enfermé avec l’esclave, celle-ci vint à se plaindre d’un frisson de fièvre froide. — Prends un morceau d’étoffe de laine, lui dit-elle, et frotte-moi vigoureusement que je me réchauffe.

Notre aga, de peur de la refroidir davantage, prend place à côté d’elle dans le lit et la frictionne conscien-