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tomber immédiatement dans un profond sommeil, qui dura vingt jours et vingt nuits consécutifs, car il avait grand besoin de repos. Durant ce sommeil, il rêva par deux fois toute l’histoire babylonienne, sept cents généalogies polyglottes et synchronistiques, quatre-vingts thèses insoutenables et néanmoins démontrées, trente-six possibilités philosophiques, huit cosmogonies et des lieux intrinsèques et extrinsèques par centaines. Mais à la fin, ayant rêvé que, monté sur la biche de Sertorius et armé de l’épée de Charlemagne, il pourfendait un alchimiste barbu, armé d’une cornue massive et monté sur un in-folio bucéphalique, il se réveilla en sursaut, juste au moment où l’aurore aux doigts de rose répandait ses timides clartés sur les coteaux baignés de rosée, et sur les pommiers chevelus du paisible verger.

Le docteur Festus, en voyant à son réveil le verger, son cabinet, son lit, ses livres et toutes choses dans l’état où il les avait laissées cinq mois auparavant en s’allant coucher, eut enfin la preuve palpable qu’il avait réellement rêvé, dans les moments même où il avait le plus douté qu’il rêvât. Aussi, rafraîchi par le sommeil, et définitivement délivré de son dilemme captieux, il se leva parfaitement dispos, fit seller son mulet, et