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Comme il arrive dans les grandes afflictions, la force d’âme du Maire vint à ployer sous le faix et il se démoralisa, perdant toute dignité, et cherchant à se distraire de ses maux dans un tourbillon de plaisirs. D’abord il se livra à la danse, et se donna à lui-même un grand bal dans la grande salle de l’Hôtel-de-Ville, ayant pris les rafraîchissements dans la boutique de Frelay, l’oncle, qui vendait de l’anisette et du pain d’épice. De cette manière le Maire s’étourdit dans les fêtes qui durèrent huit jours : dansant sans cesse et ne s’épargnant aucun rafraîchissement.

Ensuite il se livra à la boisson, s’étant établi dans le cabaret de Roset, au grand pressoir, où il mit tous les tonneaux en perce, et but aussi du bouché ; de façon qu’il chancelait par la rue, tombant sur les bornes, s’acculant aux murailles, se choquant aux tombereaux, et du derrière enfonçant les pavés. Cela dura trois semaines pleines.

Ensuite le Maire se livra à l’extrême dévotion, se faisant ermite dans le fond d’une tonne défoncée, où il se macérait la chair : s’arrachant les cheveux, se laissant croître la barbe, et se fustigeant d’un trousseau de clés, par trois fois le jour. Et il fit ce train de vie un bon mois entier.

Ensuite le Maire s’amollit, se traitant au vin chaud et aux pigeons en sauce, s’habillant de ouate fine, et dormant sous l’édredon, de neuf heures du