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leurs amis, il était sans pitié, et avait des moyens de les faire disparaître sans qu’on sût bien comment. En sorte que je le comparerais à un père, tendre à la vérité, mais prudent, qui sent que la sévérité est quelquefois un devoir.

Or il était arrivé que ceux de Balabran, qui est une province frontière touchant au pays de Ginvernais, s’étaient beaucoup gâtés par le contact avec le voisin, faisant contrebande de culottes, de sucre, de café, et surtout d’idées prohibées dans tout le Vireloup ; car il faut savoir que, dans le Ginvernais, où autrefois le gouvernement était paternel aussi, ils se sont émancipés de telle façon, que là c’est le roi qui est l’enfant de ses sujets, lesquels entendent qu’il tienne tout d’eux, son argent et son pouvoir, et ne fasse pas un mouvement de jambe, de bras ou de corps, que ceux qui sont prévus par la grande Pancarte, qui est leur pacte social. C’est ce qui rendait les Ginverniens mauvaise compagnie pour les gens de Balabran, en sorte que ceux-ci se gâtaient à vue d’œil, au grand déplaisir du roi leur père, qui avait résolu d’y mettre ordre. D’où je le comparerais à un père, tendre à la vérité, mais qui fustige une portion de ses enfants, pour le plus grand bien des autres.

C’est par suite des mesures prises à ce sujet, que nos trois personnages avaient été écroués sous le n° 36, et que l’on instruisait leur procédure dans