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PROLOGUE


Le poète, du jour où il s’est décidé à écrire, se figurait que sa seule préoccupation était de rendre agréables au peuple les pièces qu’il composait. Mais il comprend qu’il en va tout autrement. Il lui faut perdre son temps à écrire des prologues, non pour exposer le sujet, mais pour répondre aux calomnies d’un vieux poëte malveillant. Or, écoutez, je vous prie, quels reproches on lui fait. Ménandre a composé l’Andrienne et la Périnthienne[1]. Qui connaît bien l’une de ces deux pièces les connaît toutes deux, tant elles se ressemblent par le fond, quoiqu’elles diffèrent pour la conduite et pour le style. Ce qu’elles ont de commun, le poëte l’a transporté de la Périnthienne dans son Andrienne, il ne s’en cache pas, et il en a usé comme de son bien. Ces gens-là lui en font un crime et le chicanent, en disant qu’il ne convient pas de mêler les sujets. Mais franchement, en faisant les entendus, ils montrent qu’ils n’y entendent rien. Accuser l’auteur, c’est accuser Névius, Plaute, Ennius, qu’il a pris pour modèles, et dont il aime mieux imiter l’inexactitude que l’obscure exactitude de ses détracteurs. Qu’ils se tiennent donc désormais en repos, je les en avertis, et qu’ils cessent de médire, pour qu’on ne leur fasse pas voir leurs méfaits.

Accordez-nous votre faveur, écoutez avec impartialité et prenez connaissance de la pièce, pour bien connaître ce que vous pouvez plus tard espérer, et si les pièces nouvelles, que composera le poëte, mériteront d’être représentées ou rejetées sans examen.

  1. Voyez les fragments de la Périnthienne dans G. Guizot : Ménandre, p. 407, Cf. Charles Benoît, p. 27, 123, 193, 224.