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de juger soi‑même, fit en sorte d'en contracter de bonne heure l'habitude, et eût la sagesse de ne le faire toujours que provisoirement ou conditionnellement ; c'est‑à‑dire, relativement à la somme de connaissances qu'il peut avoir de l'objet qu'il juge ; car on ne doit presque jamais être sûr d'avoir épuisé toutes les considérations qui se rapportent à cet objet, et l'on doit encore être assuré qu'un plus grand nombre de connaissances, sur le même objet, nous le montreraient alors sous un autre point de vue, c'est-à‑dire, nous le feraient juger différemment. Voilà pourquoi nous voyons toujours les choses telles que notre jugement nous les présente.

Au lieu de nous porter de bonne heure  à exercer notre jugement dès l'enfance, au contraire, on nous force à le soumettre à l'autorité sur une multitude de sujets, et l'on nous en fait contracter l'habitude. Il en résulte que, dans le cours entier de notre vie, les suites de cette habitude nous maîtrisant, nous devenons paresseux à juger nous‑mêmes ; nous trouvons qu'il est plus facile, plus expéditif, souvent plus politique, de nous en rapporter aux autres ; l'autorité et l'opinion en crédit remplacent presque partout notre jugement : en sorte que l'importante faculté que l’homme ne tient de la nature, et qui pouvait lui