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LA RIVIÈRE DES EAUX-MORTES

Par chemin droit on va trop vite ! « À quoi bon me presser », se dit notre rivière. « J’arriverai toujours assez tôt à la fin de ma course. » Doucement, plus doucement encore, le pays est bon, la plaine est paisible ; sa terre grasse, sans roc, fait une couche moelleuse qui invite.

Écoutons chanter les oiseaux, et recueillons en passant la caresse des ailes déployées qui effleurent.

Que les buissons sont verts !

Ici enfin, l’horizon se montre sans masque ; pas de branches croisées, pas de gros troncs rugueux dont les cimes enlacées voilent les espaces et limitent la vue des choses, comme sur des yeux ouverts des paupières mi-closes.

À moi le soleil, tout le soleil, sans même un pin bourru pour m’en dérober un rayon et éteindre sa splendeur dans un écran de feuillage.

Et la rivière s’abandonne au charme qui la grise.

Elle retient son courant, serpente, retrace ses pas, fait de longs détours pour contourner une butte, si bien qu’elle en vient tout près d’oublier qu’il lui faut tout de même couler.