Page:Sylvain - En flânant dans les portages, 1922.djvu/85

Cette page a été validée par deux contributeurs.

LA RIVIÈRE DES EAUX-MORTES

flotter au vent discret des bois de lourdes tresses ondulées, longtemps tenues captives dans un filet.

Regrettant d’avoir couru si long, elle s’arrête brusquement, creuse son lit dans la terre molle d’un vallon, retient ses eaux fatiguées, et se trace parmi les arbres un cours sinueux.

Les ruisseaux des montagnes, attirés par la rumeur de ses pas, et l’épaisse buée que produit son haleine dans le froid des matins, s’en viennent çà et là, en folâtrant, mêler leurs eaux aux siennes.

La folle jeunesse est passée ; plus de courses ni de bonds. La rivière, devenue sérieuse, se repose et coule en musant au soleil.

Les herbes des rives, les branches légères des aulnes, les cèdres et les sapins, s’inclinent sur son passage. Et elle ira dès lors, fière et gracieuse, telle une grande dame, entre deux rangs d’admirateurs, offrant aux baisers la peau fraîche d’une main nonchalamment tendue.

Plus loin, ayant quitté les ombrages, elle débouche dans une vallée marécageuse et triste, peuplée de vieux troncs morts, sans écorce et sans feuilles,