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LA RIVIÈRE DES EAUX-MORTES

rivière au nom joli n’a donc aucune raison d’avoir gardé le nom de famille, et les meilleures raisons du monde d’avoir reçu celui qu’elle porte et qui lui va si bien.

Ne vous fiez pas trop pourtant à la grâce tranquille que ce nom suggère, une grâce calme, sans passion, car elle a une naissance tourmentée et coule des premiers flots fort agités.

Dans le grand lac, où les îles ont poussé ainsi que dans un vase des « oignons chinois », les eaux lentes se reposent, emprisonnées par la forêt, qui, tout autour, poste ses pins comme des sergents de garde.

Aussi, ayant soudain brisé l’étreinte et trompé sa vigilance, voyez-les, impatientes, s’élancer par la brèche ; des eaux libres enfin, ne demandant qu’à bondir.

C’est d’abord une course échevelée parmi les pierres et les obstacles, pendant sept longs milles de rapides, où l’écume blanche s’accroche aux cailloux, sous une voûte de feuilles vert tendre. On dirait une belle jeune fille, tête rejetée en arrière, sourire aux lèvres, qui dénoue ses cheveux et laisse