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LE BON SILENCE

Passons ce petit pont rustique : quatre vieux billots pelés par les clous des semelles, jetés sur deux traverses vermoulues, au-dessus d’un ruisseau qui chante en courant.

Plus loin le chemin bifurque. Prenons à droite entre ces petits sapins noirs qui, dans l’ombre, pleurent des traînées de gomme jaune.

Voilà qu’une trouée s’ouvre au loin dans les faîtes et laisse deviner un lac prochain. Un peu de soleil folâtre dans la toile légère, tissée en rosace, qu’une araignée patiente a suspendue cette nuit en travers du portage, par deux fils menus, de la branche basse d’un cyprès à la tête grêle d’un aulne.

Quelques pas seulement, et, sans transition, le sentier débouche au fond d’une petite baie : eau claire, fond de roche piqueté d’herbe verte. C’est le lac qui nous accueille d’un sourire tranquille.

L’arrivée au bord d’un lac solitaire, perdu en pleine forêt, offre un attrait bien singulier. Vous sortez de la pénombre du bois, où le ciel, les nuages, la lumière, ne sont perçus qu’à travers le filtre des branches entre-croisées et, tout-à-coup, le rideau se déchire, l’espace a reconquis ses droits, le ciel vous paraît plus bleu, les nuages plus blancs, le soleil plus brillant.