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LE BON SILENCE

camp. La montée n’est pas longue, à quoi bon se presser : oubliez votre pas de ville. Nous sommes loin, ici, de la foule de la rue qui vous tire de l’avant et vous pousse de l’arrière.

Quelle paix absolue !

Vous avez si peu l’habitude de l’isolement que vous vous retournez d’instinct pour attendre un compagnon, ou peut-être pour vous convaincre qu’il est bien vrai pourtant que vous êtes seul.

Des branches enchevêtrées ferment l’horizon ; vous êtes enchâssé dans les feuilles. Là-haut, une fumée bleue, la fumée du camp, doigt diaphane pointant vers une demi-lune imprécise, égarée dans le ciel clair d’un beau matin d’été.

Sous vos pieds, de gros cailloux ronds, les uns moussus, les autres lavés par le filet d’eau échappé de la source voisine, qui emprunte la voie facile du portage. Les pousses nouvelles vous frôlent la joue d’une caresse humide. La senteur légère et tout de même pénétrante des écorces mouillées, des sapins gommeux, des herbes tendres poussées dans le creux des rochers, flatte agréablement vos muqueuses blasées de citadin, et votre poitrine se soulève avidement en un rythme plus ample.