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LA FORÊT

en montagnes, en vallons, les spasmes et les frissons de l’enfantement d’un monde.

Ses fils innombrables, la sève de sa sève, témoignent de la richesse de son sang généreux. Chaque année, quand avril a dompté les tourbillons glacés, ils se hâtent de répondre aux appels du printemps en faisant poindre du vert dans les bourgeons nouveaux.

Puis, ayant fini la tâche de garnir toutes les branchées, tel un peuple en fête, les arbres font au soleil l’offrande de leurs rameaux touffus.

Mais hélas ! que le sous-bois est pauvre, désolé ! Branches tombées, feuilles flétries, graines nombreuses, sitôt nées sitôt mortes, tout cela s’entasse, se pétrit. La moisissure, puissant levain, travaille dans ces débris d’où naîtra l’humus fécond. À peine quelques pousses, quelques sapins têtus. D’étiques violettes se blottissent à l’abri d’un tronc vermoulu qui se reverdit de mousse neuve.

Le roc est une marâtre dure et stérile, et la forêt, quand souffle le vent d’automne, doit s’amputer sans merci pour rafraîchir sa sève et nourrir ses racines.