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Revanche

La fête, des arbres.

À l’arrière d’une lourde barque qui, lentement, refoule le courant du fleuve étonné, le laboureur normand, debout, front plissé sous la brise et le soleil ardent, s’appuie d’une main au manchon lisse d’une charrue neuve au soc frais aiguisé.

Son œil de terrien fouille les baies, les pointes et les caps, qui, sans fin, découpent les rives monotones.

La forêt a tout conquis : vallées et collines. L’arbre règne, souverain indiscuté, laissant à peine aux eaux des chemins étroits, tortueux, où couler des flots que l’impatience agite.

En vain le laboureur inquiet cherche, dans les feuillées claires du sud, dans les feuillées plus sombres du nord, une clairière ou l’herbe rase d’un champ.

La moisson sylvestre, qui, depuis des siècles, lève, depuis des siècles, patiente et tenace, a tout envahi.