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PROCÈS DE LOUIS XVI. 89

voter un des premiers il vit en face de lui les masses courroucées et menaçantes, et il vota la mort (1). Plus de vingt membres de son parti suivirent son exemple. < On ne pouvait, direntils plus tard, allumer la guerre civile pour sauver un seul homme (2). Ici, au moins, il y avait encore quelque reste de sentiment du bien public, mais ailleurs l’égoïsme se montra à nu. « Mon Dieu, disait le comte Cochon aux jours les plus brillants de l’Empire, je regardais Louis XVI comme innocent, mais pouvais-je me laisser maltraiter comme traître envers la patrie (3) ? »

L’appel nominal dura toute la nuit et tout le jour suivant; vers midi, les prolétaires des sections célébrèrent sur la place du Carrousel, à quelques pas de la salle des séances, une fête de fraternisation avec les fédérés, tandis que le conseil de la Commune décidait, à la même heure, qu’il demanderait un impôt sur les riches, impôt dont le produit servirait à donner du pain aux pauvres. Comme l’appel se terminait enfin, vers huit heures du soir on reçut une dépêche du roi d’Espagne, qui demandait qu’on suspendît le procès du roi afin de lui laisser le temps de tenter une médiation entre la France et l’Allemagne. La crise était à son apogée; les violences populaires, les tendances communistes, la guerre révolutionnaire, semblaient se réunir dans ces derniers instants pour précipiter le tragique dénoûment. Robespierre, qui s’était si souventélevé contre la guerre, qui, plus tard, envoya les Girondins et tant d’autres a. l’échafaud pour les punir de l’avoir déclarée, Robespierre repoussa la paix qui l’eût obligé à épargner Louis XVI. o Les tyrans ne sont vulnérables qu’à la tête dit également Danton; ï nous ne pouvons traiter avec les tyrans de l’Europe que par des batailles, je vote pour la mort du tyran. » La principale gazette des Jacobins avait déjà ditlel2: e Puisse la guerre commencer au printemps prochain Il n’y a pas de milieu entre la ruine de la France et de la liberté,-et l’anéantissement de l’Autriche et de tous les Bourbons! Sur la (1) Poujoulat, Révolution française, I, 395. De la bouche d’un collaborateur de de Sèze.

(2) Harmand de la Meuse, Anecdotes relatives à la Révolution.

(3) YiHaume, de la ~(’uo/ H, 362, d’âpres un témoin oculaire. L’auteur est un démocrate avoué; mais il dit qu’il pourrait citer vingt témoignages semblables.