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.E PREMIER COMITÉ UË SALUT PUBLIC. 265

chefs du parti, victorieux au dedans et au dehors, étaient parfaitement libres dans leurs réflexions;* leur conduite ne fut donc pas dictée par la nécessité ou le désespoir; ce fut de leur plein gré qu’ils prirent alors l’offensive. En effet, lorsqu’à la fin de février ils commencèrent à imposer à leurs concitoyens cette tyrannie sans exemple, Dumouriez occupait encore la vieille ville impériale et renversait l’une après l’autre les forteresses de la Hollande. Partout brillait l’espoir de la victoire et du butin, et nu! ne’pouvait alléguer l’irritation causée par les malheurs de la guerre. Jusqu’ici, au contraire, la guerre avait considérablement amélioré le sort des prolétaires, ce qui enlevait toute excuse à ce système de déprédations (1). Ce fait a une grande signification, et nous devons d’autant plus le faire ressortir que, jusqu’à nos jours, il a été peu pbservé, quoiqu’il ait eu les plus vastes conséquences.

Avant la guerre, sans doute, la classe ouvrière avait souffert beaucoup plus que la classe aisée des conséquences économiques de la Révolution. Les assignats et la cessation du commerce avaient fait augmenter le prix des denrées et de toutes les marchandises en général; le prix seul de la main d’oeuvre, s’il n’avait pas baissé, était au moins resté ce qu’il était auparavant, car l’ouvrage manquait partout. Tel était encore l’état des choses dans l’été de 1792. Mais, lorsque la guerre eut éclaté et devint de plus en plus sérieuse, lorsque des milliers d’hommes furent appelés sous les drapeaux, lorsqu’enfin, au mois de février, une grande levée de trois cent mille hommes fut annoncée, on vit s’opérer un brusque changement. Tout à coup les bras manquèrent pour tous les genres d’industrie, et nécessairement le taux des salaires augmenta dans une proportion incalculable. Ce mouvement fut encore accéléré par l’anarchie toujours croissante qui régnait dans le pays, et qui, en offrant aux ennemis du travail la perspective d’un butin révolutionnaire, les détournait de tout labeur régulier. Il arriva donc que la journée des manœuvres (1) On voit qu’ici, comme pour les massacres de septembre, notre opinion diffère entièrement de celle de M. Tbicrs, lequel attribue tous les excès et tous les crimes de la Révolution aux malheurs et à la’misère causés parla guerre. Nous avons prouvé également combien est fausse l’idée que c’est la coalition qui a suscité la guerre. Cette double erreur part de la même source, Cette opinion est aussi peu fondée dans tout le cours de la Révolution.