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2~8 DEUXIÈME PARTA~E’DELÂ POLOGNE.

des places secondaires, mais ils furent à jamais exclus des positions politiques. On nomma à leur place au ministère des affaires étrangères un homme recommandé par le comte Mercy, toujours fort influent, l’homme précisément auquel la France dut son triomphe dans la guerre de la Révolution et l’Autriche sa position actuelle, le baron de Thugut (1).

Celui-ci était, de même que Spielmann, de basse extraction, fils d’un batelier du Danube comme Spielmann d’un cordonnier de Vienne. Après s’être fait remarquer dés l’enfance pour sa rare intelligence, il avait été recommandé aux ministres par ses anciens maîtres, les Jésuites de Vienne, et il s’était rapidement élevé dans la carrière diplomatique. Doué de beaucoup de pénétration et de fermeté, de talent pour l’intrigue et de mépris pour le danger, il ne regardait jamais que le but, sans se laisser arrêter ni par la crainte, ni par le plaisir, ni par sa conscience. On le vit à Constantinople ne pas s’effrayer davantage d’une révolte populaire que d’une nuit de tempête sur le Bosphore. A Varsovie, il sut diriger sa barque tantôt avec adresse, tantôt avec énergie, mais toujours avec une sûreté de vue remarquable, au milieu des difficultés suscitées par une noblesse cupide, un roi faible, et l’orgueil démesuré de l’ambassadeur de Russie. Enfin, il avait vu l’ancienne cour de Versailles dans les derniers jours de sa splendeur, et le jugement qu’il portait sur la Révolution était qu’une poignée de vauriens n’auraient pu renverser le trône de France si les gentilshommes énervés de l’ancien régime n’eussent été trop faibles pour leur résister et les anéantir. Quant à lui, on le trouvait en toute occasion réservé, calme, gardant un sangfroid qui lui donnait sur tous un grand avantage, inaccessible en apparence à toute faiblesse, frugal, sobre en toutes choses, et d’une simplicité singulière. Son souper habituel se composait de quelques fruits et d’un verre d’eau. Ceux qui vivaient dans son (1) Les rapports de l’ambassadeur prussien ne permettent pas de douter que [u traité de Saint-Pétersbourg n’ait été la cause de ce changement de ministère Haetten le confirme encore le 18 mai..Que Mercy ait provoqué la nomination de Thugut, cela ressort de la correspondance de lord Auckland, ami intime de Mercy (III, 235). On doit rectifier d’après cela te récit de Hormayr sur t’intrigue de Colloredo et de madame de Poutet. Ce que Honnayr a dit de Thugut dans ses Lebens&:Me)’ aus ~ec: J9e/)’{;M~s/c;’M~e est partout confirmé par ces dépêches, et un des observateurs les plus compétents, le prince de Ligne (~mo!M pubties par Lacroix, p. 130) porte le même jugement.