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LES PARTIS EN FRANCE. 21

Claviére se manifestait surtout par le choix que faisaient ces deux hommes entre les divers systèmes de violence. Claviere ne songeait qu’à épargner de nouvelles confiscations à la France, grâce au butin fait sur l’étranger, tandis que Robespierre voulait avant tout exercer la tyrannie à l’intérieur, et ne se déclarait pour la guerre que parce qu’elle lui semblait devoir le conduire à ce but.

Mais la politique de conquête avait un appui bien plus sûr encore dans un autre chef de parti, le seul parmi ses collègues qui n’eût pas été atteint par la réaction de septembre ce chef était Danton. Celui-ci, comme membre de la Convention, avait dû quitter le ministère mais il avait su profiter de son ancienne position pour accroître son influence personnelle. Ainsi que nous le savons déjà, il avait mis la main à tout il avait appuyé Dumouriez pour la guerre, Servan pour les armements, Lebrun pour les négociations avec la Prusse il avait répandu ses agents en tous lieux, nouant partout des relations, et s’appropriant de toutes manières l’argent nécessaire à ses opérations futures. Tandis que la masse des Jacobins restait encore éloignée des emplois ministériels, lui, quoique sans fonction officielle, se sentait toujours membre du gouvernement; cette situation influa beaucoup sur sa manière de voir.

Danton n’avait jamais éprouvé le moindre enthousiasme pour une idée quelconque, et maintenant surtout que ses désirs étaient assouvis et que son coup d’œil expérimenté devenait chaque jour plus pénétrant, son ardeur pour la Révolution était éteinte à tous les points de vue. H avait acquis la conviction que c’était folie que de parler de liberté aux Français, que le pays en était arrivé à un moment analogue à celui où, dans l’empire romain, Caton devint un rêveur insensé et la dictature de César un mal nécessaire (1). Quant a aspirer lui-même à cette dictature, il n’était pas doué pour cela d’assez de ténacité; une alliance avec la Gironde lui semblait impossible en présence de la haine qui avait toujours existé entre lui et cette faction; quant à son propre parti, il le méprisait profondément. II se rendait trop bien compte (1) Morris à Jcfferson, 15 avril i794 « Danton crut toujours et, qui pis est, déclara hautement, qu’un régime populaire était impossible en France, que le pays, etc. »