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PARTAGE DE LA POLOGNE. LE TRAITÉ. 169

soldats, qui se comportaient partout comme en pays ennemi. Du milieu de ces scènes de misère, la Généralité envoya une députation de douze magnats à Saint-Pétersbourg, pour offrir à l’immortelle Catherine l’hommage de la reconnaissance de la patrie délivrée. Cette députation implora l’alliance et l’amitié de la Russie, elle eut le bonheur de contempler le visage de l’impératrice, et en reçut la promesse gracieuse, mais un peu vague, d’une constante protection.

Cependant les chefs impuissants du nouveau gouvernement ne restèrent pas un seul jour unis entre eux. Félix Potocki, quelque invraisemblable que cela puisse paraître, avait entrepris son œuvre fatale de bonne foi, et avec le désir honorable, une fois les privilèges de sa caste assurés, de procéder d’une façon digne etmodérée.Peut-étreavait-il l’ambitieuse penséedeso mcttreàla. place, pourtant peu enviable, du roi Stanislas; ce qui est certain, c’est qu’il traita toujours celui-ci avec une rudesse peu convenable. A côté d’une vanité singulière, il montrait parfois de la modération et du désintéressement, et ce fut là précisément ce qui le mit en lutte avec les principaux de ses alliés. Le maréchal de la couronne, Branicki, homme aussi nul que possible., était furieux de ce qu’il n’était jamais question que de Potocki, et de ce que l’habit même de ce dernier servait de modèle à un nouvel uniforme adopté par l’armée. Les Kossakowski s’irritaient plus encore des observations de Potocki sur la manière honteuse dont ils pressuraient la Lithuanie afin d’en tirer pour eux et pour leurs partisans le plus d’argent et de propriétés possible mais, appuyés à Saint-Pétersbourg par de secrets protecteurs, ils n’en tenaient nul compte. Le nouveau gouvernement perdit ainsi peu à peu toute unité d’action. Les dissensions augmentèrent encore lorsque Potocki établit une commission chargée de délibérer sur la constitution; les uns voulaient conserver quelques fragments des lois de 1791, favorables aux bourgeois et aux paysans; les autres, ne s’inquiétant que de leurs priviléges de noblesse et de leur position personnelle, réclamaient avec une rage fanatique la restauration complète de l’ancien état de choses. Bref, le despotisme étranger et l’anarchie nationale régnaient partout. Il était naturel que cette situation mécontentât au plus haut point la masse de la nation. Les chefs de 1791, qui avaient trouvé