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S COMMENCEMENT DE LA GUERRE ANGLO-f’RANÇAISE.

lérat que demeura la victoire. Une fois entré dans cette voie, .un État subit sans rémission une loi fatale non la loi d’une noble pensée qui prend en pitié les retardataires dans le chemin du progrès,, mais celle de l’enchaînement moral qui impose comme châtiment du crime la nécessité de devenir plus criminel encore.

Cependant tout finit par concourir au triomphe d’une bonne cause, et, dans ce sens, il est vrai de dire que la Révolution a hâté l’avénement de la liberté; sans elle, un siècle se serait peutêtre encore écoulé avant que la moitié de l’Europe se fût complètement affranchie, par des voies pacifiques, des derniers restes de l’état féodal. Cependant cette rapidité n’a été que trop contrebalancée par des maux durables. La Révolution a détruit tout à la fois l’enthousiasme et la moralité politiques des peuples. Elle a fait reculer les gouvernements effrayés tout autant devant les idées de progrès que devant les actes de violence; elle a donné aux différentes églises des tendances tout opposées à celles de la ,politique; elle a introduit dans la bourgeoisie le relâchement et l’immoralité, et a rempli l’imagination des prolétaires d’espérances insensées. Depuis 1789, elle a prouvé en France, et partout où ses tendances radicales se sont reproduites, qu’elle ne pouvait avoir .d’autre résultat que le césarisme, c’est-à-dire le gouvernement militaire, qui reconnaît bien l’égalité des droits de tous et ouvre à .tous la carrière du service de l’État, mais qui entraîne à sa suite les prohibitions commerciales, la servitude de la presse et de l’enseignement et l’oppression de l’Église; qui, par conséquent, enchaîne le travail, la pensée et les croyances au lieu de les affranchir, et, loin de les satisfaire, réduit au silence toutes les exigences de la vie sociale.

Il n’est pas difficile de reconnaître ce qui a produit pour la France cette situation si fatale au siècle tout entier. Je ne parle pas seulement ici des fautes commises par les individus et les partis dans le cours de la Révolution, mais de la cause générale qui accumula de toutes parts, chez le peuple français, les erreurs et les crimes, et qui précipita sans retour cette Révolution dans l’abîme. Comme nous l’avons dit, il ne faut pas chercher cette cause bien loin, et l’on voit du premier coup d’œil que les principes de l’esprit réformateur n’y sont pour rien. Elle