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semaine), la casserole servira tout aussi bien. On y peut bouillir du lait, chauffer le potage, mettre de la petite bière, ou, en cas de nécessité, remplacer un pot de chambre ; appliquez-la donc indifféremment à tous ces usages ; mais ne la nettoyez ni ne la récurez jamais, de peur d’enlever l’étamage.

Quoiqu’on vous ait affecté des couteaux pour vos repas à l’office, vous ferez bien de les ménager et d’employer ceux de votre maître.

Que ce soit une règle constante que ni chaise, ni escabeau, ni table de l’office ou de la cuisine n’ait plus de trois pieds, ce qui a été l’ancien et invariable usage dans toutes les maisons que j’ai jamais connues, et est fondé, dit-on, sur deux raisons : premièrement, pour montrer que les domestiques sont toujours dans un état branlant ; deuxièmement, il est bon, au point de vue de l’humilité, que les chaises et tables des domestiques aient un pied de moins que celles de leurs maîtres. Je reconnais qu’il a été fait une exception à cette règle en faveur de la cuisinière, à laquelle une vieille coutume accorde une bergère pour y dormir après dîner ; et cependant je l’ai rarement vue avec plus de trois pieds. Or, cette claudication épidémique des sièges de domestiques est imputée par les philosophes à deux causes qui, on l’a observé, font les plus grandes révolutions dans les États et Empires : je veux dire l’amour et la guerre. Un escabeau, une chaise ou une table est la première arme lorsqu’on se bat pour rire ou pour tout de bon ; et après une paix, les