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Mais, pour revenir à notre sujet, Démosthènes à qui l’on demandait quelle était la première qualité d’un orateur, répondit : L’action ; quelle était la seconde : L’action ; quelle était la troisième : L’action ; et ainsi de suite ad infinitum. Cela peut être vrai dans l’art oratoire ; mais dans d’autres choses la contemplation surpasse l’action. C’est pourquoi un homme sensé n’est jamais moins seul que lorsqu’il est seul : Nunquam nimis solus quam cum solus.

Et Archimède, ce fameux mathématicien, était si absorbé dans ses problèmes, qu’il n’aperçut pas les soldats qui venaient le tuer. C’est pourquoi, sans refuser les éloges dus aux orateurs, ils devraient considérer que la nature, qui nous a donné deux yeux pour voir et deux oreilles pour entendre, ne nous a donné qu’une langue pour parler ; ce que, néanmoins, plusieurs font si copieusement, que les amateurs qui cherchent depuis si longtemps le mouvement perpétuel peuvent infailliblement le trouver là.

Il est des gens qui admirent les républiques, parce qu’il y a fleuri le plus d’orateurs et qu’elles sont les plus grands ennemis de la tyrannie ; mais mon opinion est qu’un tyran vaut mieux que cent. D’ailleurs, ces orateurs enflamment le peuple, dont le courroux n’est en réalité qu’un court accès de folie.


Ira furor brevis est.

Hor. Lib. I Epist. II. 62.