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et vous devez prendre pour articles de foi toutes leurs paroles. Et quoique Diogène vécût dans un tonneau, il pouvait bien y avoir, pour ce que j’en sais, autant d’orgueil sous ses haillons que dans les vêtements recherchés du divin Platon. On rapporte de ce Diogène que lorsque Alexandre vint le voir, et promit de lui donner tout ce qu’il demanderait, le cynique répondit seulement : « Ne m’ôte pas ce que tu ne peux me donner, et ne te mets pas entre moi et le soleil ; » ce qui était presque aussi extravagant que ce philosophe qui jeta son argent dans la mer, en disant cette parole remarquable…

Combien différent était cet homme de l’usurier qui, sur ce qu’on disait que son fils dépenserait tout ce qu’il avait gagné, répondit : « Il ne saurait prendre plus de plaisir à le dépenser que je n’en ai eu à le gagner. » Ces hommes savaient voir les défauts de leur voisin, mais non les leurs ; ceux-là, ils les jetaient dans la besace de derrière ; non videmus id manticæ quod in tergo est. Je serai peut-être censuré pour la liberté de mes opinions par ces Momus caustiques que les auteurs révèrent, comme les Indiens font le Diable, par peur. Ils tâcheront de faire à ma réputation autant de blessures qu’en a l’homme de l’almanach, mais peu m’importe ; et peut-être, comme les mouches ils bourdonneront si souvent autour de la chandelle qu’ils finiront par s’y brûler. Qu’ils me pardonnent si je me hasarde à leur donner l’avis de ne pas se moquer de ce qu’ils ne peuvent pas comprendre ; cela ne sert