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prophéties commencent à être démenties par les événements. C’est même une grande question de savoir si la non-réalisation des deux ou trois premières désabusera suffisamment nos gens pour les empêcher d’attendre l’accomplissement du reste. Je ne doute pas que des milliers de ces papiers ne soient gardés avec soin par autant de personnes, pour les confronter avec les événements, et vérifier si l’astrologue indique exactement le jour et l’heure. Et je tiens ceux-ci pour les dupes préférées de M. Bickerstaff, pour lesquelles il a principalement écrit son badinage. En attendant, il a sept semaines de bon, durant lesquelles le monde va rester en suspens ; car il faut que tout ce temps s’écoule avant la mort du faiseur d’almanachs qui est sa première prédiction ; et si ce drôle se trouve être un nigaud impressionnable et hypocondriaque, ou qu’il ait quelque foi dans son art, la prophétie peut s’accomplir de tout point, par des moyens très-naturels. C’est ainsi qu’une personne de ma connaissance, qui avait eu à se plaindre d’un mercier de la ville, lui écrivit une lettre, d’une main inconnue, pour l’avertir qu’on avait pris ses mesures pour mettre dans sa boisson un poison lent qui le tuerait infailliblement en un mois ; sur quoi notre homme commença tout de bon à languir et dépérir, par un pur effet d’imagination, et serait certainement mort, si on n’eût pris soin de le désabuser avant que la plaisanterie n’allât trop loin. Le même résultat sur Partridge servirait merveilleusement