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vulgaires que l’on crie chaque jour dans les rues. Ma fortune me dispense d’écrire pour quelques sous, dont je ne fais point cas et dont je n’ai pas besoin : que les hommes sensés ne se hâtent donc pas trop de condamner cet essai, écrit à bonne intention, afin de cultiver et d’améliorer un art ancien, depuis longtemps en disgrâce pour être tombé en des mains méprisables et inhabiles. Il faudra peu de temps pour constater si j’ai trompé les autres, ou me suis trompé moi-même, et je ne crois pas déraisonnable de demander qu’on veuille bien jusque là suspendre son jugement. J’ai été de l’avis de ceux qui méprisent les pronostics tirés des astres, jusqu’à ce que, dans l’année 1686, un homme de qualité m’ait montré dans son album, que le plus savant astronome, le capitaine Halley, lui avait assuré qu’il ne croirait jamais à l’influence des astres s’il n’y avait pas une grande révolution en Angleterre dans l’année 1686. Depuis lors, j’ai commencé à penser différemment, et après dix-huit ans d’étude et d’application soutenue, je crois n’avoir pas sujet de regretter ma peine. Je ne retiendrai pas plus longtemps le lecteur, si ce n’est pour lui faire savoir que le compte que j’ai l’intention de lui rendre des événements de l’année prochaine roulera sur les principales affaires qui auront lieu en Europe ; et si je n’ai pas la liberté de l’offrir à mon propre pays, j’en appellerai au monde savant, en le publiant en latin, et en le faisant imprimer en Hollande.