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natiques, communément appelés les Prophètes[1], laquelle sera due principalement à ce qu’ils auront vu venir l’époque où nombre de leurs prophéties auraient dû s’accomplir, et seront désabusés par des événements contraires. Il est vraiment étonnant qu’aucun fourbe soit assez niais pour prédire à si courte échéance, alors que fort peu de mois doivent de toute nécessité découvrir l’imposture à tout l’univers ; moins prudent sous ce rapport que les faiseurs d’almanachs, qui ont le bon esprit de se borner à des généralités, de parler d’une façon ambiguë, et de laisser au lecteur le soin de l’interprétation.

Le 1er de ce mois, un général français sera tué par un boulet perdu.

Le 6, un incendie éclatera dans les faubourgs de Paris, qui détruira plus de mille maisons, et semble être l’avant-coureur de ce qui arrivera, à la surprise de toute l’Europe, vers la fin du mois suivant.

  1. Les protestants du Dauphiné, appelés Camisards, poussés à bout par la persécution, tombèrent naturellement dans le fanatisme, et mêlèrent des miracles et des prophéties à leur ferveur religieuse. Ceux qui s’étaient réfugiés en Angleterre attirèrent fortement l’attention sous le titre de Prophètes français, et soulevèrent beaucoup de discussions dans la presse et dans la chaire. En 1707-8, John Lacy, esq., se convertit ; et, dans la préface d’un de ses absurdes livres, intitulé : Un Cri du Désert, il en appelle avec confiance à « la matière et économie de quatre ou cinq cents avertissements prophétiques donnés en état d’extase à Londres. » Comme à ces fanatiques il se mêla des imposteurs, les conséquences en commencèrent à prendre un aspect assez alarmant. Mais ils furent assez téméraires pour entreprendre de ressusciter un mort, et ayant échoué, comme de raison, ils furent en butte à la risée générale : ce à quoi une pièce, appelée les Prophètes modernes, et écrite par Durfy, ne contribua pas peu.