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de preuves tirées de leurs almanachs, capables de convaincre tout homme raisonnable qu’ils ne comprennent même pas la grammaire et la syntaxe la plus simple ; qu’ils ne sont pas en état de lire n’importe quel mot qui ne soit pas tout à fait banal, ni même dans leurs préfaces d’écrire rien qui ait le sens commun, ou qui soit en anglais intelligible. Quant à leurs observations et prédictions, elles sont de nature à convenir également bien à toutes les époques et à tous les pays du monde. « Ce mois-ci certain grand personnage sera menacé de mort ou de maladie. » Ceci, les gazettes le leur diront ; car nous y voyons à la fin de l’année qu’il ne se passe pas de mois où il ne meure quelque personne de marque, et ce serait jouer de malheur s’il en était autrement, lorsqu’il y a au moins deux mille personnes de marque dans ce royaume, dont plusieurs âgées, et lorsque le faiseur d’almanach a la liberté de choisir la saison la plus malsaine pour y fixer sa prédiction. Et celle-ci : « Ce mois verra la promotion d’un éminent ecclésiastique. » Mais ces ecclésiastiques-là, il peut y en avoir des centaines, dont la moitié a un pied dans la tombe. Et encore : « Telle planète dans tel signe annonce de grandes machinations et conspirations, qui peuvent à un moment donné être mises en lumière ; » après quoi, si nous apprenons que quelque chose se soit réalisé, l’astrologue en a l’honneur ; dans le cas contraire, ses prédictions n’en restent pas moins bonnes. Et enfin : « Dieu préserve le roi Guillaume de tous ses ennemis dé-