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profit du public. Nous verrions une honnête émulation entre les femmes mariées à qui apporterait au marché l’enfant le plus gras[1]. Les hommes deviendraient aussi aux petits soins pour leurs femmes en état de grossesse qu’ils le sont aujourd’hui pour leurs juments, leurs vaches et leurs truies prêtes à mettre bas, et ils ne les menaceraient plus ni du poing ni du pied (comme ils en ont trop souvent l’habitude), de peur d’avortement.

On pourrait énumérer bien d’autres avantages. Par exemple, l’addition de plusieurs milliers d’animaux à notre exportation de bœuf en baril, la consommation plus abondante de la chair de porc, et un perfectionnement dans la manière de faire de bon lard, dont nous manquons si fort, par suite de la grande destruction des cochons de lait, qui se servent trop souvent sur notre table, et qui ne sont nullement comparables, comme goût et comme magnificence, à un enfant d’un an, gras et d’une belle venue, qui, rôti tout entier, fera une figure considérable à un repas de lord-maire, ou à tout autre festin public. Mais cela et beaucoup d’autres choses, je n’en parle pas, tenant à être bref.

En supposant qu’un millier de familles de cette ville achèteraient régulièrement de la viande d’enfant, indépendamment de ce qui s’en consommerait dans les parties de plaisir, particulièrement aux noces et baptêmes, je calcule que Dublin en pren-

  1. Cela s’est vu dernièrement aux États-Unis. Il est vrai que c’était dans un but plus frivole.