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plusieurs autres talents secondaires ou subalternes, qui s’acquièrent plus aisément. En sorte que la différence entre la bonne éducation et les bonnes manières consiste en ceci que la première ne peut être acquise par les meilleures intelligences sans étude ni travail ; tandis qu’un degré tolérable de raison nous enseigne tout ce qui constitue les bonnes manières, sans autre assistance.

Je ne vois rien de plus utile à ce sujet que d’indiquer certaines particularités qui intéressent l’essence même des bonnes manières, et dont la négligence ou l’infraction trouble fort le commerce du monde, en introduisant un malaise mutuel dans les relations de la plupart des compagnies.

Premièrement, une condition indispensable des bonnes manières, c’est d’être ponctuel en fait d’heures, chez nous, chez les autres, ou en lieux tiers, qu’il s’agisse de civilité, d’affaire ou de plaisir ; laquelle règle, quoique dictée par le simple bon sens, n’a pas été plus violée que par le plus grand ministre que j’aie jamais connu, ce qui doublait toute sa besogne, et l’arriérait continuellement. Je l’en raillais souvent, comme d’un manque de bonnes manières. J’ai connu plus d’un ambassadeur et d’un secrétaire d’État, qui, avec une dose très-modérée d’intelligence, s’acquittaient de leurs fonctions avec beaucoup de succès et d’applaudissements, par la seule force de l’exactitude et de la régularité. Si vous êtes ponctuel en rendant service, l’obligation en est double ; si c’est à vous qu’on rend service, la