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Son Altesse qu’il ne pouvait être admis en présence de la reine en perruque courte ; que ses bagages n’étaient point arrivés, et qu’il avait essayé en vain d’en emprunter une longue parmi tous ses valets et ses pages. Mylord tourna la chose en plaisanterie, et mena le prince à Sa Majesté ; ce dont il fut hautement censuré par toute la tribu de messieurs les huissiers, auprès desquels M. Hoffman, une vieille bête de résident de l’Empereur, avait recueilli ce point essentiel de cérémonial, qui était, je crois, la meilleure leçon qu’il eût apprise en vingt-cinq années de résidence[1].

Je fais une différence entre les bonnes manières et la bonne éducation, quoique, afin de varier mes expressions, je sois parfois forcé de les confondre. Par la première, j’entends simplement l’art de se rappeler et d’appliquer certaines formes convenues de conduite générale. Mais la bonne éducation a une bien plus grande étendue ; car, outre un degré peu commun de littérature suffisant pour mettre un gentleman en état de lire une pièce de théâtre ou un pamphlet politique, elle embrasse un grand cercle de connaissances, qui ne va pas moins qu’à danser, se battre, jouer, faire le tour de l’Italie, monter le sauteur et parler français ; sans compter

  1. Walter Scott fait, à ce propos, la remarque que le patron de Swift et le collègue de Bolingbroke, Harley, eût fait sagement, néanmoins, de se conformer à cette insignifiante étiquette, car la reine Anne devant qui, dans un moment de presse, il se présenta en perruque courte, dit avec aigreur qu’elle supposait que Sa Seigneurie, la prochaine fois, paraîtrait devant elle en bonnet de nuit.