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sa propre langue, ou qu’elle soit juge des livres les plus aisés qui y sont écrits, comme peut s’en convaincre quiconque aura la patience de les écouter, lorsqu’elles sont disposées à massacrer une pièce de théâtre ou un roman, où le moindre mot qui s’écarte de l’ordinaire est sûr de les déconcerter ; et cela n’a rien d’étonnant, lorsqu’on ne leur apprend pas même à lire dans leur enfance, et qu’elles ne peuvent pas y arriver dans tout le cours de leur vie. Je vous engage donc à lire à haute voix, plus ou moins, chaque jour à votre mari, s’il veut vous le permettre, ou à tout autre de vos amis (mais pas à une femme) qui soit en état de vous redresser ; et quant à lire tout bas, vous pourrez l’apprendre avec le temps en faisant des extraits des livres que vous lirez.

Je sais fort bien que les femmes qu’on appelle communément instruites ont perdu toute espèce de crédit par leur impertinent bavardage et par leur suffisance ; mais à cela le remède est facile, si vous considérez une bonne fois qu’après toute la peine que vous pouvez prendre vous n’arriverez jamais, en fait de savoir, à la perfection d’un écolier. Si je vous conseille de lire, c’est seulement pour améliorer votre bon sens, qui ne manquera jamais de gagner à la retenue. C’est une mauvaise méthode et un mauvais choix de livres qui font que ces savantes dames sont devenues pires pour avoir lu ; j’aurai donc soin de vous mieux diriger, tâche à laquelle je ne me crois pas impropre, attendu que j’ai passé plus de temps et eu plus de facilités que bien d’au-