Page:Swift - Opuscules humoristiques - Wailly - 1859.djvu/167

Cette page a été validée par deux contributeurs.

souhaite d’avoir au fond du cœur un parfait dédain pour toutes les distinctions que peut vous valoir une plus belle jupe ; attendu qu’elle ne vous fera pas plus riche, plus jolie, plus jeune, meilleure de caractère, plus vertueuse ou plus sensée, que si elle pendait à un clou.

Si vous êtes en compagnie d’hommes instruits, quoiqu’il leur arrive de parler d’arts et de sciences qui ne sont point à votre portée, vous retirerez plus d’avantages de les écouter, que de toutes les sottises et niaiseries de votre sexe ; mais s’ils sont gens de savoir-vivre autant que de savoir, ils s’engageront rarement dans une conversation que vous ne deviez pas écouter, et où vous ne deviez pas avec le temps avoir part. S’ils parlent des mœurs et coutumes des divers royaumes de l’Europe, de voyages dans des contrées lointaines, de l’état de votre propre pays, ou des grands hommes et grandes actions de la Grèce et de Rome ; s’ils donnent leur opinion sur des écrivains anglais ou français soit en vers, soit en prose, ou sur la nature et les limites de la vertu et du vice, c’est une honte pour une dame anglaise de ne point goûter de tels entretiens, de ne pas en profiter et s’efforcer, en lisant et s’instruisant, de prendre part à ces recréations, plutôt que de se détourner, comme c’est l’usage, et de se consulter avec sa voisine au sujet d’une nouvelle cargaison d’éventails.

Il est un peu cruel de ne pouvoir obtenir d’une fille de gentleman sur mille qu’elle lise ou entende