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commanderai, et passer plusieurs heures par jour à les lire, et à en faire des extraits, si vous avez la mémoire faible. Vous devez tâcher de vous lier avec des personnes instruites et intelligentes, dont la conversation vous apprenne à réformer votre goût et votre jugement ; et quand vous serez parvenue à comprendre et à goûter le bon sens des autres, vous arriverez avec le temps à penser sainement vous-même, et à devenir une raisonnable et agréable compagne. Ceci doit inspirer pour vous à votre mari un amour et une estime vraiment raisonnés, que la vieillesse ne diminuera point. Il aura égard à votre jugement et à votre opinion dans des affaires de la plus grande conséquence ; vous serez en état de vous entretenir l’un l’autre sans qu’un tiers vienne à votre aide en trouvant un sujet de conversation. Ce que vous aurez gagné comme esprit lui rendra votre personne même plus agréable ; et quand vous serez seule, votre temps ne vous pèsera point faute de quelque frivole amusement.

Quelque peu de cas que je fasse de la généralité de votre sexe, cela m’a quelquefois fait de la peine de voir la maîtresse de la maison forcée de se retirer immédiatement après dîner, et cela dans des familles où l’on ne boit pas beaucoup, comme si c’était une maxime établie que les femmes sont incapables de toute conversation. Dans une chambre où les deux sexes se réunissent, si les hommes discourent sur quelque sujet général, les femmes ne pensent jamais que ce soit leur affaire de prendre part à ce