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seillerai pareillement de ne point imiter ces dames qui affectent tant d’inquiétude quand leurs maris sont dehors ; qui tressaillent à chaque coup qu’on frappe à la porte, et sonnent incessamment pour dire aux domestiques d’aller ouvrir à leur maître ; qui ne mangeront pas une bouchée à dîner ou à souper, si le mari n’est pas rentré, et qui le reçoivent à son retour avec un tel mélange de gronderies et de tendresses, en lui demandant où il a été, qu’une poissarde de Billingsgate serait une compagne plus facile et plus agréable.

De la même pâte sont ces femmes qui, lorsque leur mari est en voyage, veulent avoir une lettre à chaque poste, sous peine de pâmoison et d’attaque de nerfs, et qu’il fixe le jour précis de son retour, sans faire aucunement la part des affaires, de la maladie, des accidents ou du temps ; tout ce que j’en peux dire d’après mes propres observations, c’est que les dames qui font le plus d’embarras en pareille occasion, auraient grassement payé un messager pour leur apporter la nouvelle que leur mari s’est cassé le cou en route.

Vous serez peut-être offensée quand je vous engagerai à rabattre un peu de cette violente passion pour les beaux habits, qui prédomine si fort dans votre sexe. Il est un peu dur que le nôtre, pour qui vous les portez, ne soit pas admis à donner son avis. Je puis prendre sur moi de vous assurer que nous consentirions à un rabais de quatre livres sterling par aune sur un brocard, si les dames voulaient bien